Depuis 2014, 18 milliards d’euros ont été investis par l’Union Européenne pour soutenir le développement des entreprises françaises.
À un mois des élections européennes, l’UE est décriée, repoussée, parfois présentée comme un fardeau pour l’économie. Pourtant, elle s’avère un atout incontournable pour bien des entreprises françaises. PME, ETI, grands groupes, agriculteurs, start-up ou indépendants en profitent. De son marché unique, d’abord, avec la libre circulation des biens et des personnes, sa monnaie commune et l’uniformisation des normes pour que les produits répondent aux mêmes standards de fabrication. « Nous avons tous un projet commun, donc les opportunités de business se multiplient, vante Alban Maggiar, délégué aux affaires européennes de la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Surtout, les PME peuvent s’appuyer sur l’UE pour soutenir leur développement.»
À Bruxelles, la Commission européenne, présidée par Jean-Claude Juncker, met les grands moyens. Depuis 2014, près de 18 milliards d’euros ont été directement injectés dans 161 983 entreprises différentes pour financer des projets innovants. À travers 83 programmes d’accompagnement ! D’ici fin 2020, les investissements atteindront 28 milliards d’euros. « C’est gigantesque et cela tire tout le monde vers le haut, relève Alban Maggiar. Parfois, les chefs d’entreprise ne savent même pas que cela vient de l’Europe. 40 % d’entre eux ne connaissent pas la provenance des fonds ! » Le problème réside dans la difficulté à obtenir les aides. Monter un dossier peut demander des heures de travail et des connaissances juridiques pointues. Une formalité pour de grandes entreprises, aux moyens financiers et humains importants. « Mais un patron de PME n’a pas forcément le temps, regrette le délégué aux affaires européennes. L’UE reste complexe et trop technocratique. Elle ne favorise pas les petits entrepreneurs. Elle doit s’adapter. »
S’adapter, aussi, aux disparités entre les pays. Les entreprises tricolores souffrent, parfois, d’un manque de compétitivité face à l’absence d’uniformisation sociale et environnementale. Les salaires et exigences écologiques divergent si on se trouve en Pologne ou France. Un « smic Européen » a, par exemple, été proposé par la liste de La République en Marche pour compenser les inégalités. « Il existe une distorsion de concurrence, que nous devons nécessairement résoudre, martèle Alban Maggiar. C’est le prochain chantier européen. »
L’Europe soutient les start-up
Urban Sport Club symbolise l’esprit européen. L’application propose des abonnements permettant d’avoir accès à des salles de sport dans plusieurs villes du Vieux Continent. De Berlin (Allemagne) à Rome (Italie) en passant par Paris, Barcelone, Madrid (Espagne)… « C’est notre vision, celle d’un mode de vie, insiste Flavie Lefevre, directrice marketing. Nous nous adressons à la génération EasyJet, qui part en week-end un peu partout. » La jeune pousse, née en Allemagne, a ouvert en octobre ses bureaux parisiens, à Station F, grâce au programme Access2Europe. Financé par l’Union européenne et géré par la chambre de commerce Franco-allemande, il lui a apporté pendant trois mois un accompagnement pour s’implanter dans l’écosystème français. « Des experts nous ont aidés à nouer des partenariats, tisser un réseau et surtout gagner en visibilité », se félicite Flavie Lefevre.
En l’espace de six mois, une quinzaine d’emplois ont été créés et au moins cinq autres vont l’être très bientôt. Déjà en service dans la capitale (à partir de 29 euros/mois), l’application va s’étendre à Bordeaux (Gironde) et Lyon (Rhône) dans les prochaines semaines, grâce à un investissement à huit chiffres. Le développement est fulgurant.
Algodeep, fondée en 2017, espère connaître une même ascension. La start-up française, qui propose des outils aux entreprises pour passer dans l’ère de l’intelligence artificielle (IA), est, elle, née via le fonds européen de développement régional (FEDER). « Nous avons gagné un concours du Wilco, un accélérateur de start-up de la région Ile-de-France, explique Rudy Delouya, cofondateur. Nous avons obtenu un prêt d’honneur de 40 000 euros, financé par l’UE. » Et un accompagnement humain de cinq ans maximum, jusqu’au franchissement du seuil du million d’euros de chiffre d’affaires. Rudy et son associé, Guillaume Germaine, reçoivent l’aide de financiers, d’avocats et d’experts en IA. « Cela nous aide à gagner en crédibilité » « Cela nous aide à affiner notre position sur le marché, à gagner en visibilité et crédibilité », souligne le second. Algodeep a déjà convaincu EDF et Enedis. Et compte maintenant s’exporter… en Europe. « Forcément ! rit Rudy. C’est plus facile, il y a moins de barrières et une même culture de l’entrepreneuriat, contrairement à la Chine par exemple. » Ils vont embaucher des commerciaux dans différentes villes européennes pour démarcher de nouveaux clients.
L’Europe serait donc l’endroit parfait pour entreprendre ? « Il manque une vraie politique d’investissements publics, et privés, pour soutenir l’écosystème des start-up, analyse Guillaume Germaine. Nous sommes encore très loin des Etats-Unis et de la Chine sur ce point. Il y a une cassure, notamment en termes de salaires, qui doit être résorbée.» Christine Valentin, 50 ans, est une convaincue : « Aujourd’hui, un agriculteur ne peut pas vivre sans l’Union européenne », tranche-t-elle. Installée sur le plateau calcaire de Causse de Sauveterre, en Lozère, elle est productrice de lait de vache et de brebis, destiné notamment à la confection du Roquefort.
Avec ses trois associés, elle a amorcé, grâce à l’Europe, une conversion biologique en mai 2016. Pour la survie de son exploitation. « Avec la crise du prix du lait de vache, nous avons dû réorienter notre production. Sinon, c’était probablement la perte assurée, explique Christine Valentin. Nous avons senti un fort engouement pour le bio, donc nous nous sommes engagés dans cette voie. » Après un audit de trois jours, la transition est lancée. Et les frais explosent. Entre l’alimentation des bêtes, obligatoirement d’origine biologique, l’aménagement de clôtures pour que vaches et brebis jusque-là en « zéro pâturage » puissent sortir, le remplacement d’engrais ou le changement de pratiques… Le troupeau est passé de 100 à 80 vaches, et la production de 900 000 litres à 650 000. De l’autre côté, le prix de vente reste le même, le temps de l’obtention de la labellisation, d’environ deux ans. La perte de revenus est vertigineuse. « Et là, heureusement qu’il y a eu les aides européennes ! », confie Christine Valentin. Dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) et des mesures agro-environnementales qui visent à accompagner les exploitants, l’agricultrice et ses associés vont obtenir entre 30 000 et 40 000 euros pour combler le manque à gagner. « Sans cet argent, nous ne nous serions certainement jamais lancés dans le biologique », souligne Christine Valentin. Cette aide est attribuée en fonction de la région, de la nature du terrain et du type d’exploitation. « L’Europe a su reconnaître la différence de chaque territoire pour garder leurs diversités et leur identité », loue l’éleveuse.
Mais, pour le moment, Christine n’a quasiment rien touché. Là est le problème. Nombre d’agriculteurs qui ont choisi d’entamer une transition vers le bio grâce aux subventions de l’Union européenne, n’ont pas reçu les fonds promis en temps et en heure. « Nous devons attendre deux, trois ou quatre ans… Il faut avoir les reins solides, sinon, vous fermez boutique. C’est de la lourdeur administrative, cela doit être rapidement amélioré », somme Christine Valentin. Après une transition difficile, les opportunités affluent. Le lait de l’éleveuse est même consommé à l’international ! « Il est transformé en lait infantile à Montauban (Tarn-et-Garonne), et s’envole ensuite pour la Chine, s’enthousiasme-t-elle. Sans le bio, sans l’Europe, ça ne serait jamais arrivé ! La preuve que se replier et regarder son nombril n’est pas la solution. »
Aides européennes aux entreprises, mode d’emploi
Les fonds structurels. Le fonds social européen (FSE), pour le développement régional (FEDER), pour le développement rural (FEADER), pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP)… L’Europe intervient dans tous les secteurs. Ses aides visent à favoriser l’emploi et la croissance à travers l’amélioration de la compétitivité des PME, l’inclusion, l’engagement d’une transition écologique…
Horizon 2020. Ce programme regroupe les financements de l’Union européenne en matière de recherche et d’innovation et s’articule autour de trois grandes priorités : l’excellence scientifique, la primauté industrielle et les défis sociétaux. Il s’adresse aux laboratoires scientifiques et aux PME.
Plan Juncker. Il apporte un soutien pécuniaire à de grands projets portant sur un secteur d’avenir à travers des infrastructures (transport, haut débit, énergie, numérique…) ou une utilisation plus efficace des ressources et des énergies renouvelables. Il aide les PME, avec des microcrédits ou des entreprises de taille intermédiaire (ETI) à travers des crédits pour les projets de recherche et développement.
Comment les obtenir. De nombreux sites, édités par l’UE, existent pour se renseigner sur les différentes aides et programmes mis en place, le site Toute l’Europe et le site officiel de l’Union européenne notamment. Les dossiers de financement sont téléchargeables sur le site de la commission européenne ou à retirer au siège parisien, 228, boulevard Saint-Germain, à Paris (VIIe).