La fameuse et bicentenaire fête bavaroise plante ses tentes, ses danses folkloriques, ses hectolitres de binouze, ses serveuses à tresse et ses saucisses à La Villette pour sa quatrième édition et pour dix jours.
Allez, Franz, enfile ton Lederhose (pantacourt en peau des paysans bavarois, couramment porté encore dans les fêtes ou les mariages) et ton Trachtenhut (chapeau tradi alpin en feutre, très seyant sur visage rougeaud et bouffi par dix jours de binouzes non-stop), je me glisse dans mon Dirndl bigarré (tenue folklorique et jamais ridicule avec chemise bouffante, corsage par-dessus, jupe, tablier, inspiré des servantes autrichiennes du XIXe siècle) : on va pas rater la quatrième édition de l’Oktoberfest parisienne qui ouvre ses tentes vendredi à Paris (la réplique marseillaise s’annonce pour le 26 octobre) et sa farandole de saucisses, de délicieuse et roborative cuisine bavaroise so typisch, de musique populaire en live qui donne immédiatement envie, non pas d’envahir la Pologne mais de danser frénétiquement en rythme et en évitant les serveuses qui portent plusieurs chopes (Mass) d’un litre dans une seule main, de chanter tous ensemble comme c’est la tradition depuis plus de deux cents ans à Munich, entonnant des chants tradis bavarois avec accordéon folklorique et tout.
Bref, la Bavière ou presque sous les deux tentes de La Villette, quatrième édition donc de la version française de la mythique fête de la bière, lancée le 17 octobre 1810 lors des festivités qui suivirent le mariage du futur roi Louis Ier de Bavière avec la princesse Thérèse de Saxe-Hildburghausen (neuf enfants, grâce à la binouze ?) : là-bas, l’Oktoberfest se célèbre au centre-ville de Munich sur le Theresienwiese, un terrain vague d’une trentaine d’hectares, commence toujours le premier samedi de la deuxième quinzaine de septembre à midi exactement et s’achève le premier dimanche d’octobre.
Personne ne tient quinze jours de rang à cette fête, si ce n’est quelques Bavarois affûtés et surentraînés. L’auteure de ces lignes, pour en avoir essuyé quelques-unes (et n’en n’avoir que des souvenirs parfaitement embrumés, sinon d’avoir fait pipi par terre entre deux hauts tabourets) en sait quelque chose, mais en tout l’Oktoberfest accueille sur son site munichois quelque 6,5 millions de visiteurs, débite 235 000 saucisses, 7,5 millions de litres de bière, le tout sous 38 tentes avec 119 000 places assises.
A La Villette, ce sera comme depuis 2015, un peu plus modeste, même si le succès est indéniable : on est passé de 10 000 visiteurs embierrés lors de la première édition (Ralf Schneider d’AFR Events, à l’initiative du projet avec la chambre franco-allemande de commerce et d’industrie, s’étonnait il y a quelques années de ce que «la France et l’Allemagne sont des partenaires économiques importants, et pourtant il n’existe aucun événement d’envergure allemand à Paris») à 21 000 l’an dernier. Avec 34 000 litres de bière, 2 000 saucisses, 1 500 cuisses de poulet, 2500 jarrets de porc, 2 tentes et 1 400 places assises, il semble que la Kultur bavaroise ait séduit les Parisiens… Et on les comprend.
Qui pourrait résister aux épatantes danses folkloriques de là-bas (s’entraîner ici), à la magnifique cuisine locale : Wurst, la saucisse parfumée à tout ce qu’on veut, il y en a plus de mille sortes, Leberkäse, viande de porc et de bœuf avec Kartoffelsalat, Spätzle, des pâtes qui épongent parfaitement la quantité de bières ingurgitée, avec son fromage d’Allgäu, au sud de la Bavière, Obatzda, boules de fromage à pâte molle, Sauerkraut (choucroute, évidemment), oh mein Gott comme on se réjouit d’aller tâter de l’ambiance bayerisch et de s’envoyer des quintaux de binouzes, normalement exclusivement issues des six grandes brasseries munichoises traditionnelles, au nombre desquelles figurent la Brasserie Paulaner (Hofbraü Paulaner), la brasserie de Munich (Hofbraühaus Munchen), l’Augustiner, rien que d’en parler ça fait saliver.
La règle absolue de l’Oktoberfest, ce sont ces bières brassées selon une tradition plusieurs fois centenaire, avec uniquement quatre ingrédients, conformément au «Bayerisches Reinheitsgebot», la loi bavaroise sur la pureté de la bière de 1516 : houblon, malt, eau et levure und nichts mehr dazu. Bon, mais là il semble y avoir dérogation à la sauce française, puisque c’est Meteor qui est à l’honneur : c’est la fête de la bière mais en France, explique le service communication de l’événement, donc focus (et gros coup de pub) sur une bière française. Rappelons que la France n’est pas seulement le pays du fromage, mais aussi le troisième producteur de bières en Europe avec une culture brassicole très riche puisqu’on trouve sur notre sol 1 600 brasseries. Dont Meteor, indépendante et familiale, fondée en 1640 en Alsace et tenue par la même famille, les Haag. Pas de pintes mythiques aus Bayern, tant pis, (du moment qu’ils nous mettent pas du pastaga à celle de Marseille), on se consolera avec la kyrielle d’animations prévues, dont Miss Oktober qui nous met la bière à la bouche, et surtout surtout, l’animation par, s’emballe le dossier de presse, «l’un des meilleurs groupes de musique populaire d’Europe, sur scène depuis plus de 20 ans», on a nommé les Steinsberger Musikanten. L’occasion ou jamais (sinon chez soi en fin de soirée ?) de s’entraîner au Schuhplatter (la fameuse danse folklorique) avec Franz.
Oktober Fest, Du 11 au 19 octobre 2019. Entrée (sur réservation):à partir de 24,90€. Au Paris Event Center, 20 avenue porte de la Villette 75019 Paris